Vaste « presqu’île du vin » située sur la rive droite de la Gironde, le Médoc apparaît comme un monde contrasté, où la vigne et ses châteaux se sont taillés un domaine majestueux entre l’estuaire et la pinède. Margaux, Saint-Julien, Pauillac, Saint-Estèphe, … c’est l’une des terres d’élection des grands vins rouges de garde. Crus artisans, Crus Bourgeois et Grands Crus Classés de 1855 se côtoient : la route des châteaux qui traverse le Médoc est assurément l’une des plus belles ! Découvrez la fabuleuse histoire de certains des plus beaux et des plus renommés Châteaux du Médoc.
L’incontournable Château Margaux
A l’écart du village, le château Margaux s’élève au milieu de son vignoble sur le flanc oriental du plateau de Cantenac-Margaux. Se dressant au bout d’une allée de platane, il forme un ensemble architectural exceptionnel de style palladien.
A l’origine, Margaux n’est qu’une maison forte, du nom de La Mothe-Margaux : elle appartient à de grandes familles de la région, comme les Albret, les Montferrant et les Dufort-Duras. Le château est racheté en 1802 par le marquis de La Colonilla, un Basque ayant fait fortune dans le commerce maritime. Après 1828, le château passe aux mains de différents propriétaires, souvent des financiers : le cru est alors au summum de sa gloire, couronné par le classement impérial de 1855. Le domaine subit de plein fouet le marasme des années 1920. Il faudra attendre le rachat en 1977 par André Mentzelopoulos pour voir l’image de Margaux redoré : les colonnes ioniques qui ornent le château lui rappellent sa Grèce natale et lui font saisir l’ampleur du travail à accomplir pour que Margaux retrouve sa place de Premier, la seule qui lui revienne. Aucun propriétaire n’aura probablement joué un rôle aussi décisif, et en si peu de temps, qu’André Mentzelopoulos.
Histoire du Château Lafite-Rothschild
Si les premières traces du Château Lafite remontent à 1234, c’est grâce aux Ségur, une famille de parlementaires bordelais, que le domaine doit sa vocation viticole. Quand ceux-ci le reçoivent par une alliance matrimoniale dans la seconde moitié du XVIIème siècle, il ne comporte encore que peu de vignes. La famille décide alors de réellement s’investir dans la viticulture. Dès le début du XVIIIème siècle, le vin de Lafite rejoint alors celui de Latour au sommet des cotes et ventes à Londres. La famille fait également bâtir le château actuel : une élégante villa donnant sur une terrasse à pilastres, avec quelques éléments de l’ancien castel, dont les tours et une échauguette.
En 1868, arrive à la tête du château un riche financier, James de Rothschild, qui s’offre ainsi le premier des « grands crus classés » de 1855. L’arrivée des Rothschild va mettre le cru à l’abri des divisions et cessions si fréquentes en Médoc. Cette continuité a constitué pendant des décennies l’un des atouts majeurs du cru.
Si dans les années 1960 et 1970, le domaine connaît un certain relâchement, il retrouve un nouveau souffle en 1974 avec l’arrivée d’Eric Rothschild qui entreprend sa modernisation, comme l’illustre son chai souterrain circulaire pensé et réalisé par l’architecte catalan Ricardo Bofill : ce chai de vieillissement peut désormais accueillir jusqu’à 2 000 barriques.
Le Château Latour
A moitié caché dans les arbres, le Château Latour, puissante bâtisse de style Napoléon III, fait plus penser à une grande maison bourgeoise, cossue et confortable, qu’à une noble demeure seigneuriale chargée d’histoire. Et pourtant le domaine était au Moyen Âge une maison forte commandant une important seigneurie.
A la fin du XVIème siècle, Arnaud de Mullet unifie le domaine en rachetant leurs terres aux tenanciers : Latour bénéficie ainsi relativement tôt d’un atout essentiel par rapport à ses voisins médocains, il possède un bloc de vignes homogènes, formant le cœur et la partie essentielle du domaine. Après plusieurs passations, des Mullet à la Famille Ségur qui décide de privilégier le château Lafite, Latour réussit à se hisser au sommet de la hiérarchie en termes de qualité au début du XVIIIème. Ce domaine devint plus tard le laboratoire de l’innovation sous la tutelle de Henri Martin et Jean-Paul Gardère qui dès 1964 proposent de remplacer l’ancien cuvier en bois par des cuves en acier inoxydable : une première pour l’époque.
Plus tard, dans les années 1990, François Pinault rachète les parts du domaine et décide d’agrandir les chais et de les équipés avec du matériel plus performant. Cette continuité et ses investissements permettent au château Latour de profiter pleinement du potentiel exceptionnel de son terroir.
Château Mouton Rothschild, innovation et histoire
Le Château Mouton Rothschild, demeure victorienne couverte de lierre et hérissés de mansardes construite en 1855, abrite plusieurs salles ayant chacune sa personnalité : la salle aux colonnes et ses tableaux de maîtres célébrant la vigne et le vin, la salle des Dunand, la salle du Toboggan avec ses statues et ses tapisseries, …
Son histoire débute à la fin du XVIIème siècle quand Bertrand de Brane fait l’acquisition d’une maison de campagne dans le hameau du Pouyalet et de quelques parcelles. En 1853, le nouveau propriétaire, Nathaniel Rothschild, financier londonien désireux de servir son propre vin à ses convives, le rachète. Son fils James décidera de faire construire le château.
Tout change vers 1920, quand le jeune Philippe de Rothschild, arrière-petit-fils de Nathaniel, se prend de passion pour le domaine, dont il prend la tête en 1922. Deux ans plus tard, il révolutionne le monde du vin avec la mise en bouteilles directement au château : le début de l’élevage et de la mise en bouteilles à la propriété. Parallèlement, il entreprend la modernisation du domaine avec la construction du « grand chai » mesurant 100 mètres de long conçu par l’architecte Charles Siclis.
Après un long combat, le château accède au rang de Premier Cru Classé en 1973 : titre dont il avait été injustement privé en 1855.
Château Pichon-Longueville Baron
Pierre Desmezures de Rauzan, grand négociant en vins et régisseur des prestigieux domaines de Latour et de Margaux, achète des vignes en 1689 situées à côté du domaine de Latour, pour y créer l’Enclos Rauzan. Ces vignes entrent dans la dot de sa fille Thérèse lorsqu’elle épouse le Baron Jacques Pichon de Longueville en 1694. C’est en 1855 à l’occasion de l’exposition universelle, que le vin est sacré 2e Grand Cru Classé, selon la classification demandée par l’Empereur Napoléon III, qui souhaitait y mettre à l’honneur les grands vins de Bordeaux.
Le domaine de Pichon Longueville Baron est racheté en 1987 par AXA Millésimes. Depuis lors, le château du XIXème est magnifié par le miroir d’eau qui s’étend à ses pieds. Et sous ses reflets argentés se cache depuis 2008, un chai enterré digne du Nautilus, en raison de ses ouvertures vers l’eau et le ciel. Ce chai à barriques enterré parachève la mise au point d’une production d’excellence, dans la plus pure tradition des grands Pauillac.
Château Cos d’Estournel à Saint-Estèphe
Situé au Nord du Médoc, au détour d’un virage, le château Cos d’Estournel cultive une part de mystère derrière son imposante porte en bois sculpté. Entièrement dédié au vin, le bâtiment principal surmonté de monumentales pagodes abrite les chais. Cette disposition prise par le fondateur n’a jamais été remise en cause : ici, c’est le vin qui habite le château.
Derrière l’opulente façade se cache un lieu d’une modernité et d’une sobriété étonnantes. L’ensemble des installations a été pensé pour offrir les meilleures conditions d’élaboration et de stockage du vin. L’inspiration orientale de la propriété suscitée par le goût du fondateur pour l’Inde, en fait un château iconique du vignoble Bordelais.
La naissance de ce domaine remonte aux années 1790, lorsque le Marquis d’Estournel hérite à 29 ans de la propriété familiale située dans la partie sud de Saint-Estèphe, au lieu-dit Cos. Homme de passion, stimulé par le voisinage immédiat du prestigieux Château Lafite, il décide en 1811 de vinifier à part le produit de ses vignes et d’y consacrer sa vie. Il achète de nombreuses parcelles voisines lui permettant de développer considérablement Cos. Se succèdent par la suite Fernand Ginestet en 1917, célèbre négociant bordelais, et Michel Reybier dans les années 2000, un industriel passionné.